En tant qu’éducateur, conseiller en emploi, travailleur de rue, animateur socio-professionnel, coordinateur et maintenant formateur/consultant depuis 15 ans, j’ai réalisé à quel point la définition de l’intervention (psycho)sociale peut être floue.
Lors de mes formations sur ce sujet, je pose toujours la question suivante : c’est quoi l’intervention psychosociale, ou sociale, au juste ?
Les réponses que j’obtiens sont souvent centrées sur des tâches, des techniques, des approches, mais rarement sur une définition claire et simple.
J’invite alors les personnes formées à chercher cette définition sur Internet.
La difficulté réside dans le fait que cette définition est souvent invoquée sous un prisme politique, économique, ou compliquée à comprendre simplement.
C’est pourquoi je ressens le besoin de poser une base claire pour définir ce qu’est réellement une intervention sociale ou psychosociale.
Bernard Vallerie, auteur et éducateur, ayant travaillé sur l’Empowerment au Québec et l’ayant apporté en France comme le Développement du Pouvoir d’Agir, me l’a défini comme suit :
C’est accompagner une personne (ou un groupe) en difficultés vers une résolution de problèmes afin qu’elle prenne les meilleures décisions pour elles-mêmes.
On aide les personnes à réaliser le parcours qui compte pour elles.
Bernard vallerie
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Tout n’est pas intervention.
Mais c’est en discutant de ça, en équipe, qu’on parvient à mieux comprendre notre rôle, nos limites et ainsi proposer un meilleur accompagnement sans s’épuiser.
Bien sûr que j’ai une opinion sur tout, je travaille dans le social !
C’est sur ces mots que j’ai commencé ma journée du vendredi 18 Mars 2022. Mots retrouvés sur un groupe Facebook de Travailleurs Sociaux et qui m’ont amené à réfléchir puis à écrire sur ce point tout en les mettant en lien avec des interventions que j’ai donné auprès d’étudiant.e.s en Travail Social en 2014.
Paradoxe 1
Comment (ré)insérer des personnes accompagnées dans une société dans laquelle je ne crois plus ?
J’ai une opinion sur tout ou presque parce que j’ai eu une formation d’éducateur spécialisé et des métiers axés sur la relation d’aide. Ceux-ci m’ont toujours poussé à déchiffrer notre monde pour l’utiliser comme outil dans ma création de lien avec les personnes accompagnées. Le paradoxe ici est que plus je déchiffre ce monde, moins j’ai envie de lui faire confiance et moins je comprends mon mandat d’insertion dans ce dit-monde.
Paradoxe 2
Comment travailler dans l’objectif de ne plus avoir de travail ?
Bon, sur ce point, peu de chance d’arriver au bout de ce projet quand on voit l’état du monde dans lequel on vit. Et si on s’intéresse de près à l’Histoire et à la Futurologie, le Travail Social a encore un long et «bel» avenir devant soi.
Paradoxe 3
Comment accompagner correctement des personnes quand on vit souvent autant de précarité qu’eux ?
Suivant le pays où l’on exerce, travailler dans le domaine du social peut s’apparenter à des questions de survie bien que cela a pour avantage de développer notre posture d’empathie.
Blague à part, revaloriser notre travail est, pour moi, un paradoxe car il faudrait commencer par le valoriser ! Que ce soit au niveau du salaire, des conditions de travail ou de la RECONNAISSANCE. N’est-ce pas collègues français ?
Paradoxe 4
«Penser qu’aider les aider l’Autre nous aidera nous-même». Cette idée a-t-elle déjà fonctionné pour l’un.e de nous ?
Avec la professionnalisation de nos métiers, on se rend bien compte que cela ne fonctionne pas. Mais qui n’y a jamais honnêtement pensé ? Moi, ça a été le cas à de nombreuses reprises.
Comme discuté avec des collègues de travail, je rêve du jour où l’on dira aux étudiant.e.s en intervention sociale (tous diplômes confondus) que ce travail sur Soi est nécessaire, avant ou pendant, une prise de fonction en relation d’aide.
Paradoxe 5
Susciter le changement chez l’Autre mais rarement accepter que cela arrive chez Soi. Pourquoi ?
Avoir un métier qui demande autant de compétences cognitives nécessite de nous créer des (facteurs de) protections.
Se créer des certitudes, avoir des représentations en fait partie.
Être capable de revenir dessus aussi mais revenir sur tout ce qu’on croit ?
Imaginez-vous l’épuisement professionnel et mental que cela impliquerait ?
Oh désolé, je pense bien que oui…
Voici une information capitale pour vous : vous n’êtes pas seul.e.s ! C’est OK.
Paradoxe 6
Comment créer un lien de confiance avec une distance professionnelle ?
Pour mettre en image cette idée voici une métaphore : comment visser/dévisser un boulon avec un tourne vis ?
Ça ne fonctionne pas bien ? C’est normal. Créer un lien de confiance nécessite une distance de confiance. Malheureusement pour les adeptes des choses simples, cette distance de confiance sera à évaluer/co-construire différemment pour chaque relation de confiance à établir.
Utiliser une distance professionnelle, c’est pour créer une relation professionnelle.
Pour tous ces paradoxes je n’ai pas forcément de réponse mais je suis conscient qu’ils jonchent ma pratique professionnelle.
Et vous, quels sont les paradoxes de vos métiers ?
Il y a un peu plus d’un an, je créais Calme Toi. Mon bébé entrepreneurial qui allait me permettre de régler mes problèmes, en aidant les autres à régler les leurs.
Avais-je raison ? En partie, car créer cela a été un catalyseur pour m’aider à rendre réel ce que j’avais du mal à ressentir : manque d’autonomie, manque de confiance, perte de sens dans mes précédents emplois.
Pourquoi y rester ? Comme tout un chacun, pour payer mes factures et par peur de l’inconnu.
L’opportunité était là mais en partie. En près de 2 ans sur ce projet j’ai vécu des émotions que je ne pensais pas vivre : rejet, manque de confiance, incompréhension des personnes que j’avais rencontré, perte d’identité.
Qui est-ce que je deviens ?
Mais en même temps j’ai rencontré des équipes et des gestionnaires avec de l’éthique qui m’ont fait confiance et que j’ai pu accompagner vers une résolution de leurs problèmes par tous les moyens que je me donne : former et conseiller.
Finalement, entreprendre cela aide à régler des problèmes mais cela en crée aussi.
Par exemple : je passe moins de temps sur Facebook mais plus sur LinkedIn.
J’y ai quand même découvert la #positivitétoxique et le lieu où les RH sont des “ façonneurs de professionnel.le.s”.
Je suis #éducateurspécialisé de formation. J’ai toujours été critique envers mon métier. Pour preuve, mon mémoire de fin d’étude portant sur le soutien à la parentalité (de famille dont les enfants sont placés en institutions sociales) se termine sur le pouvoir des professionnel.le.s, que l’on sous-estime, qui est souvent mal utilisé et sur les #paradoxes.
Aujourd’hui, je me rends compte que d’autres corps de métiers font face à ces mêmes phénomènes, bien que les contextes soient différents.
En tout cas, pour mon identité d’entrepreneur, ma prise de conscience est la suivante.
Ne pas faire face seul, je peux et je dois demander de l’aide.
Entamer ce travail par étape
Planifier mes communications sur les réseaux sociaux en répondant à chaque fois : pour qui ? Pourquoi ? S’inspirer de ses concurrents est un bon début
Définir et redéfinir jusqu’à ce qu’on comprenne facilement ce que je fais. Donc accepter ses essais et erreurs.
Je découvre petit à petit d’autres étapes. Mais j’y vais doucement.
Et toi, as-tu d’autres étapes par lesquelles passer pour continuer ce travail ?
Pour débuter ce mois, j’ai décidé de vous parler de moi et des quelques erreurs que j’ai pu faire dans mes 12 années de pratiques. En effet, admettre ses erreurs et en tirer des leçons est bien plus profitable en termes de développement professionnel, que de montrer toutes les réussites, aussi importantes soient-elles.
L’Arrogance
En commençant dans le métier je n’étais pas formé, j’étais éducateur en Accueil d’Urgence pour personnes itinérantes à Grenoble. 3 magnifiques années où j’ai fait la rencontre de personnes qui m’ont marqué dans mon parcours.
Seulement, après quelques mois, j’avais de bons retours de mes collègues, de bonnes relations se créaient avec les personnes accueillies. Disons que la sauce commençait à me monter à la tête. Je devenais arrogant. Je pensais être meilleur que les autres. Jusqu’à ce qu’une stagiaire, Fanny, m’aide à prendre conscience que cette arrogance faisait que j’écrasais mes collègues en déficit de confiance.
Je me suis senti mal, plus à ma place.
Le syndrome de l’imposteur grandissait en moi à la suite de cette prise de conscience. Vous qui lisez je suis sûr que cela vous parle :
Le syndrome de l’imposteur, également appelé syndrome de l’autodidacte, induit une forme de doute maladif chez les personnes qui en sont victimes. Ces doutes les incitent à nier la propriété de tout accomplissement, qu’il soit professionnel ou privé.
Je suis donc passé d’un extrême à un autre. Mais pas de panique, c’est dans ces allers-retours qu’on se construit.
La Violence
J’occupais un emploi d’éducateur, juste après avoir été diplômé, dans un Centre pour Adolescent. L’idée globale de ce centre était d’accueillir tous les enfants/adolescents que les autres organismes ne voulaient plus.
La violence “normale” était mêlée à des moments très agréables dans ce lieu de vie.
Seulement cette violence s’accentuait à vue d’œil, l’équipe étant aspirée dans une violence des enfants. Et cette équipe, dont je faisais partie, agissait en miroir avec une violence institutionnelle décuplée par l’effet de groupe.
Ma prise de conscience a été de me blesser en traînant un jeune homme jusqu’à sa chambre pour le “calmer” car il incitait un autre à fuguer.
Cela m’a en effet permis de travailler sur mes valeurs professionnelles profondes, et ainsi de bannir la violence de mon champ des possibles en intervention. Ainsi, dans cette lignée, j’ai décidé de m’éloigner du domaine de la Protection de l’Enfance, car j’avais le sentiment de tout faire sauf les protéger.
Ces points de réflexions font partie des nombreux autres que j’ai pu avoir dans ma carrière et que j’espère avoir encore.
Je suis curieux, quelles ont été vos prises de consciences professionnelles dernièrement ?
Se remettre en question, mettre en lumière ce que nous voulons améliorer chez nous est un processus presque vital pour grandir et évoluer comme être humain. Pour la plupart d’entre nous, ce voyage commence en solitaire. J’ai décidé d’écrire cet article au coin du feu, dans un chalet, pour accompagner votre voyage en fonction de 3 destinations : vous-même, la société, la philosophie et le dogme.
Vous-même
L’Alchimiste, roman de Paulo Coelho
Les 4 accords Toltèques, roman de Miguel Ruiz
L’Homme qui voulait être heureux, roman de Laurent Gounelle
Les Dieux voyagent toujours incognito, roman du même auteur
Le jour où j’ai appris à Vivre, roman du même auteur
Mange, Pris, Aime, roman d’Elizabeth Gilbert adapté au cinéma par Ryan Murphy.
La Société
Sanctuary, manga de Sho Fumimura et Ryoichi Ikegami
La Haine, film de Mathieu Kassovitz
Le Loup de Wall Street, roman de Jordan Belfort adapté au cinéma par Martin Scorsese
Le Casse du Siècle, roman de Michael Lewis adapté au cinéma par Adam McKay.
Philosophie et Dogmes
Le Voyage de Théo, roman de Catherine Clément
Le Monde de Sophie, roman de Jostein Gaarder
la Bible, le Coran et la Torah (auteurs inconnus 😉 ).
Et vous, vers quelles oeuvres vous tournez vous pour vous aider à faire le point sur vous même ?
La société occidentale, dans laquelle nous évoluons, vit de plus en plus au rythme des machines (Industrialisation, Modernisation, Intelligence Artificielle). C’est, de ce fait, sensé, qu’affirmer que notre communication s’en trouve à ce point ébranlée.
“Vous me voyez, mais vous ne m’avez pas regardé”
Assane Diop (Omar Sy), Lupin (Netflix)
Je pousserai l’idée du personnage de cette (très bonne) série encore plus loin :
Vous m’entendez, mais vous ne m’avez pas écouté.
Ahmed Abidat, au chalet.
Cette idée-là, je pense, est compréhensible de toutes les personnes victimes d’oppressions quelles qu’elles soient : femmes, minorités visibles et invisibles…
Ce que j’entend par communication humaine est un retour de l’échange entre personnes au plus essentiel : se regarder et s’écouter !
C’est ce qu’il manque cruellement à notre société, nous n’avons jamais été autant déconnecté alors que nous avons un nombre incalculable d’outils pour ce faire.
Calmons nous et communiquons simplement dans une démarche de solution, non pas d’accusation. Être en mode solution, surtout dans un contexte de conflit c’est accepter :
d’avoir tort
les idées des autres comme valides
une main tendue
la remise en question
la nature du pouvoir que j’ai sur cette situation
En somme, c’est mettre de côté une chose qui prend beaucoup trop de place chez chacun de nous : l’Ego.
C’est cet ego qui m’a poussé à avoir un comportement “difficile à gérer” et m’a amené à me faire renvoyer, cet ego qui lors d’une dispute avec mon ex m’a dicté de la quitter. Mais c’est aussi cet ego (et beaucoup d’introspection) qui m’a aidé à créer mon entreprise, à apprendre, demander de l’aide et écrire ce que vous lisez aujourd’hui.
L’ego est une épée à double tranchant. Bien dosé et réfléchi, il peut être une formidable source d’énergie. Trop présent et mal ajusté, il vous fera perdre la tête.
C’est aussi cet ego qui pose le plus souvent problème dans la communication.
Exemple : les commentaires haineux, insultants, sur Facebook, Twitter etc…
Voilà, je pense que tout le monde a compris mon point.
Ces plateformes ont donné un boost maximum à leurs utilisateurs en leur faisant penser que leurs avis est important au détriment de blesser, insulter, menacer les autres.
Rétablir la communication humaine dans votre vie, les relations entre individus, la créativité, l’envie d’entreprendre et de s’investir explosera dans notre société !
Mais déjà, à votre niveau, vous qui êtes en emploi et qui vivez des difficultés de communication, de confiance avec vos employés ou vos employeurs. Comprenez et acceptez l’importance de demander une aide extérieure plutôt que de laisser trop de place à votre ego.
Si ce que vous venez de lire fait écho en vous, que vous soyez au Canada, en France, en Belgique ou en Suisse. Agissez